Souviens-toi, Étienne Je débarquais ce matin-làMa petite valise sous le bras Avec une ficelle autourEt je restais muet et figé devant toi Dans ce misérable bagageJ'avais emmené en voyage Tous mes trésors, tous mes jouetsQuelques pauvres vêtements et mots chez moiÉtienne, j'étais si malheureux Que lorsque je défis le nœudSoudain cet autre nœud Serre en ma gorge sautaEt bêtement je sanglotaisEt ce garçon, cet étranger Sans me comprendre vint m'aiderA déballer ma valise et il fit semblant De ne pas voir que je pleuraisÉtienne, si seulementÉtienne, si seulementSouviens-toi, Étienne Comment sillonnait ton villageNous la terreur du voisinage J'étais ton frère jouantPlutôt qu'un hôte Dans la maison de tes parentsTout ce qui était interdit Tout ce qui causait des ennuisNous attirait si fort que chaque punition N'était qu'un encouragementOn se moquait d'être punis On s'occupait de nos izisQu'on comparait dans les buissons Près de l'écluse et de la maison délabréeEt pour une bière trois sucettes Cinq chewing-gums, deux cigarettesNous admettions à notre spectacle La jeunesse locale enthousiasméeÉtienne, si seulementÉtienne, si seulementSouviens-toi, Étienne Avec tes mains nuesTu savais pêcher des truites Et j'en restais bouche-péeEt un jour nous avons surpris le boulanger Et mademoiselle YvonneDans leur nid d'amour dans le blé Et on les avait fait chanter tout un étéPar ici les babas Où on en discute avec la patronneEt puis il y avait Maryse Maryse, Maryse, c'est indécis entre nous deuxMaryse, la plus belle entre Priva, Méziac et le PuyMais si elle me souriait à moi Elle n'avait, Dieu, que pour toiEt ce regard a fendre l'âme Et tu disais, l'été prochain je la séduisÉtienne, si seulementÉtienne, si seulementSi seulement, si seulement le temps Rien que pour un instant s'était arrêté ce jour-làSi nous avions traîné avant de descendre Dans l'escalier en cavalcadeSi le concierge avait fait durer l'engueulade Si on avait partagé une cigaretteEn feuilletant le livre interdit en cachette Si seulement j'avais relacé mes chaussuresRien qu'un instant et cette maudite voiture Serait passée juste avant nousSans percuter notre avenir Sans briser tes espoirs et tes projetsSans étouffer à jamais tous nos riresTu es là, ÉtienneToi, tu as toujours tes doux ans Tes beaux cheveux noirs endoyantsEt tes lancines et ton sourire, Étienne Et j'ai les cheveux gris et je suis vieuxJe crois qu'on ne guérit jamais On n'oublie rien du tout, tu saisLe moindre de tes traits, le moindre de tes gestes Est toujours présent à mes yeuxCe soir je reviens au pays Je bois à ta mémoire, amiEn levant mon verre aux étoiles Et j'aime l'idée que tu me fasses de là-hautUn petit clin d'œil, une grimace Un sourire du fond de l'espaceÀ la tienne, Étienne, celle de ces quatre matinsÀ bientôtSous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org